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La Journée mondiale de l’eau 2023 (22 mars) vise à « Accélérer le changement » grâce aux partenariats et à la coopération. Elle coïncide avec un examen à mi-parcours de la Décennie internationale d’action des Nations Unies sur l’eau pour le développement durable 2018-2028, cette dernière ayant pour objectifs 1) de mettre davantage l’accent sur un développement plus durable ; 2) d’accélérer le financement et la mise en œuvre des objectifs de développement durable (ODD) liés à l’eau ; et avec cela 3) de mobiliser l’action vers la réalisation de l’Agenda 2030.
Peu d’endroits sur Terre ont autant besoin d’un changement accéléré et de progrès vers l’ODD 6 sur l’eau et l’assainissement que le bassin du fleuve Niger en Afrique de l’Ouest qui compte plus de 160 millions d’habitants sur un étendue de 2,23 millions de km2. Les neuf pays qui partagent le bassin souffrent d’une insécurité hydrique, énergétique et alimentaire extrême, ainsi que d’une immense dégradation de l’environnement, des effets néfastes croissants du changement climatique et d’une instabilité générale, de l’insécurité, des conflits et des troubles civils.
L’Autorité du Bassin du Niger (ABN) est chargée de coordonner et de prioriser de multiples projets de développement dans chacun de ces neuf pays.
Le plan opérationnel de l’Autorité compte 350 projets qui couvrent un large éventail d’investissements, notamment des barrages, des systèmes d’irrigation, la navigation et la préservation des écosystèmes, en plus des activités de gestion et de renforcement des capacités. Bon nombre de ces projets sont soutenus par des institutions financières internationales telles que la Banque africaine de développement et la Banque mondiale. Cependant, pour être en mesure de coordonner et de hiérarchiser les nombreux projets de développement et de réaliser la vision partagée du bassin du Niger, l’ABN avait besoin d’une méthodologie systématique de nexus permettant d’assurer que les barrages en amont puissent soutenir les projets d’irrigation et de pêche en aval et que les projets d’irrigation n’affectent pas les zones humides, par exemple. Sans une évaluation minutieuse des ces projets divers et de leurs interconnexions, les ressources rares et fragiles en eau, en terres et en écosystèmes pourraient subir des dommages imprévus mais potentiellement irréversibles, entrainant ainsi des effets négatifs sur l’eau et les ODD connexes.
En 2022, l’Union européenne et l’Allemagne, à travers le Programme de dialogue régional Nexus de la GIZ dans le bassin du Niger, ont soutenu l’ABN et, en coopération avec l’Université d’Ottawa, l’IFPRI dans le cadre de l’Initiative NEXUS Gains, ainsi que d’autres partenaires, ont entrepris de renforcer les capacités sur le Nexus Eau-Energie-Alimentation-Environnement dans les neuf pays du bassin et d’élaborer et de discuter d’un document d’orientation sur le Nexus pour son adoption par le Conseil ministériel de l’ABN. Les Lignes directrices s’appuient sur l’engagement fort de l’ABN et des pays du bassin qu’elle soutient pour développer des synergies à partir de l’eau et d’autres investissements pour la prospérité de la population du bassin.
Une ébauche des Lignes directrices Nexus a été avancée et discutée lors d’ateliers de 3 jours qui ont eu lieu dans les neuf pays du bassin. Ces ateliers, sur la base de réunions précédentes, ont remis l’accent sur le renforcement des capacités sur les méthodologies d’analyse Nexus développées dans un partenariat antérieur (2018-19) et présenté une analyse d’un projet d’infrastructure hydraulique prioritaire sélectionné au niveau national dans chacun des pays. Sur la base des commentaires reçus, une deuxième version des directives a été élaborée et présentée lors d’un atelier régional de validation le 2 septembre à Cotonou.
En octobre, les lignes directrices du Nexus ont été finalisées et présentées au Comité technique d’experts de l’Autorité qui a recommandé son adoption par le Conseil des ministres de l’ABN. Les « Lignes directrices pour l’intégration de l’approche Nexus Sécurité de L’Eau, de l’Energie, de L’Alimentation et de la durabilité Environnementale dans le développement des programmes et projets de développement durable dans le bassin du Niger » ont ensuite été adoptées le 8 décembre 2022, lors de la 41ème session ordinaire du Conseil des ministres de l’ABN à N’Djamena, au Tchad, et mises immédiatement en vigueur. Les outils en ligne pour son application sont également en cours de développement.
Il s’agit de la toute première adoption à l’échelle du bassin d’une approche Nexus propice à la collaboration et l’analyse intersectorielles ainsi qu’au développement de politiques similaires dans d’autres bassins fluviaux avec des objectifs concurrents eau-énergie-alimentation-environnement—ce qui reflète le véritable esprit de la Décennie de l’eau des Nations Unies ainsi que de l’Agenda 2030.
L’ABN a donc de quoi célébrer la Journée mondiale de l’eau 2023. En moins d’un an, l’Autorité a adopté la toute première politique Nexus dans un bassin fluvial transfrontalier, contribuant ainsi à une véritable accélération du changement pour une eau améliorée et le développement associé. L’utilisation des directives peut réduire la menace d’impacts négatifs sur les ressources en eau et en terres partagées du bassin et économiser des millions de dollars de fonds d’investissement tout en répondant conjointement aux divers objectifs de la Vision. Cela peut également aider à renforcer les impacts positifs et réduire les contraintes intersectorielles des solutions monosectorielles et aider à identifier des solutions multisectorielles.
L’application de l’approche Nexus augmentera l’efficacité de l’utilisation des ressources naturelles et soutiendra la mise en œuvre et le suivi des investissements (polyvalents). Si cela peut être réalisé, le « fleuve des fleuves » (d’après une des significations possibles du nom original du Niger) continuera d’améliorer la sécurité de l’eau, de l’alimentation et de l’énergie, et la durabilité environnementale pour les générations à venir.
Niandou Mounkaila est le Directeur Technique de l’Autorité du Bassin du Niger; Ousmane Seidou est directeur du laboratoire d’hydraulique et professeur agrégé à l’Université d’Ottawa, Claudia Ringler est chercheuse principale au département des stratégies de transformation de l’IFPRI et Robert Krefeld dirige l’engagement de l’Agence allemande de coopération internationale GmbH (GIZ) sur le Programme de dialogue régional Nexus dans le bassin du Niger.